« Qu’est-ce qu’on doit faire, Adrian? », poses-tu comme question à ton frère. Ton jumeau. Adam et Adrian. A&A. Ca pourrait faire une marque. Ou un slogan. « A&A : jumeaux à la vie à la mort. » Enfin, voyez. Tu ne sais pas trop quoi penser de l’annonce des Jeux de la Faim. Snow, cette femme imposante et fière, ne t’inspires pas confiance. Mais tu dois garder la face haute. Tu ne sais pas quoi faire, mais il te faut rester fort, et normal. Tu ne peux pas faire ton rebelle. Être rebelle c’est de pendre haut et court, soi même, à un arbre, avec une corde d’arc. C’est trahir ton père. Et mettre en danger ta famille. Après tout, vaut mieux éviter tout ça. Mais tu sais très bien qu’Adrian n’est pas plus rassuré que toi. Ce sont des choses qui se ressentent. Il contrôle bien mieux ses émotions ceci dit. Tu as le don de paniquer pour rien, comme un idiot. Mais là il s’agit de questions de vie. Et vous ne serrez pas épargnés. Tu le sais bien. Vous serez visés aussi. Toi et Adrian êtes en compétition pour devenir un de ceux qui iront dans cette arène, pour la première des Jeux. Tu as peur. Tu ne peux le cacher. Pas à Adrian. Devant ton père tu es tout sourire. Il le faut.
Mais devant Adrian tu ne peux faire semblant. Les rares moments que vous partagez ensemble, vous les préférez au dehors. Le district onze n’a rien d’attrayant. Alors vous vous baladez, en parlant de ça et d’autres choses. C’est une pratique courante depuis que vous avez huit ans. Vous avez onze ans de plus désormais. Vous êtes plus matures. Tu ne sais jamais ce qu’Adrian pense ceci dit. Mais tant pis. Après tout, s’il aime le secret, que faire de plus? Mais tu aimes à te dire qu’il a aussi peur que toi.

Quand tu y réfléchis, tu es le plus vieux. De trois minutes. C’est complètement idiot, ce genre de choses, oui, mais c’est drôle parfois. Souvent, on vous demande qui est venu, vous hurlez de rire. Parce que c’est idiot. Mais c’est vrai. Tu es le plus vieux. C’est à toi d’être le plus raisonné. Mais dans les situations de crise, tu ne sais pas quoi faire. Alors tu compte sur ton frère. Mais c’est rare que l’un de vous ait une solution. Mais Adrian est plus raisonné, et moins paniqué. « Je ne sais pas, Dam. J’en sais rien, bordel. »

Adrian est un garçon charmant. Toujours à l’écoute de tout le monde. C’est ton frère après tout. Il est attentionné, gentil, drôle, affectueux. Mais il est aussi cynique, noir et sombre. Il n’aime pas qu’on le dérange dans son travail, ni qu’on lui pose des questions idiotes. Il n’aime pas les repas de famille, ni les grandes envolées lyriques. Il déteste par-dessus tout le travail manuel. Il préfère l’intellectuel. Vous êtes si différents et si uniques, et en même temps vous vous complétez. C’est étrange et fascinant. De nombreuses fois vous vous chamaillez. Vous avez des goûts communs pour les filles. Mais vous vous êtes jurés de ne jamais vous piquer vos amis, et vos petites amies.

Vous êtes jumeaux. Jamais tu ne t’y feras. Quand vous vous regardez dans la glace, vous êtes tellement semblables. Vos parents ont, en plus de ça, eu la charmante idée de vous donner des noms en -ad tous les deux. Vous en riez parfois. Parce que vous êtes semblables et différents. Deux faces d’une pièce. Le ying et le yang. Vous êtes en harmonie mais quelques tensions subsistent.

Il y a des moments particuliers également. Le soir, vous ne pouvez vous endormir sans un câlin. Ca n’a rien d’incestueux. On parle d’un truc sain et pur. Vous êtes juste des jumeaux inséparables le soir. Mais ça risque de changer. Tu aimerais que ça ne change pas. Parce que tu aimes ton frère à en mourir…

Les Jeux. Tu en as peur. Tu as plus peur pour Adrian que pour toi. Il est fort, autant que toi, voire même plus. Mais tu as peur qu’il ne soit pas à la hauteur des districts un et deux. Tu es sûr qu’il est capable. Mais la peur t’envahit à chaque fois que tu y penses. Le fait de perdre ton frère est inconcevable. Perdre ton frère reviendrait à perdre ton identité. Mais tu ne pourrais t’y opposer. La vie fera qu’il adviendra ce qu’il adviendra. Espérons que ce ne soit pas une fatalité. Tout ce que tu peux dire à l’heure actuelle, c’est que vous êtes déterminés à passer vos possibles derniers moments, heureux.